Page:Malato - La Grande Grève.djvu/469

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ficielle de quelques minutes pour constater le maintien de l’ordre matériel et repartir sans même avoir entendu les plaintes des ouvriers. La situation, maintenant, s’était singulièrement aggravée.

La révolte inattendue des Brisotins changeait toutes choses. L’effet moral avait été énorme : du coup, la moitié de ceux qui travaillaient encore avaient déserté les puits, pour se joindre aux grévistes. En outre, l’embauchage à Saint-Étienne et à Rive-de-Gier s’était heurté à des difficultés imprévues, suscitées par les syndicats ouvriers : deux cents hommes seulement, au lieu de quatre cent cinquante, demeuraient décidés à partir. Encore n’arriveraient-ils que le surlendemain matin.

Dans ces conditions, des Gourdes commençait à se demander s’il était utile de continuer l’exploitation. C’étaient, chaque jour, des frais que ne compensait aucun bénéfice moral. Peut-être était-il plus sage d’interrompre les travaux jusqu’à ce que, épuisés de privations, les grévistes vinssent implorer grâce. Malheureusement pour la Compagnie, ce moment ne semblait pas s’approcher.

Ce qui exaspérait et, en même temps, troublait des Gourdes, c’est que Schickler, averti immédiatement de l’insubordination des Brisotins, avait répondu par ce télégramme stupéfiant : « Gardez mes hommes et entamez des négociations avec les grévistes. « 

Entrer en négociations avec les grévistes, Schickler, lui l’orgueilleux dominateur, le capitaliste autocrate qui jamais n’avait considéré ses prolétaires comme autre chose que des serfs, conseillait cela ! Était-ce possible ?

Des Gourdes demeurait perplexe, se demandait si c’était là le conseil d’un concurrent cherchant à lui faire perdre son prestige par une capitulation ou un cri de peur irraisonnée ou encore l’avertissement d’un clairvoyant.