Page:Malato - La Grande Grève.djvu/501

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Celui-ci baissa la tête lorsque entra dans son cabinet, l’air sérieux, le sourcil froncé, le directeur-gérant de la Compagnie de Pranzy.

Machinalement, Jolliveau murmura très bas :

— Ce n’est pas ma faute, si les choses ont tourné ainsi.

Des Gourdes eut un geste d’impatience :

— Ce qui est fait, est fait, répondit-il. Parlons du présent et non du passé.

— Oh ! pour le présent et pour l’avenir, je vous garantis…

— L’avenir… c’est surtout en nous occupant du présent que nous le préparerons.

— Parlez ! que faut-il faire ?

Dialogue singulier où s’affirmait bien la suprématie du capital ! C’était le représentant de l’État qui se faisait petit ; c’était le grand seigneur de la mine qui élevait la voix.

— La grève va recommencer à Mersey, dit lentement des Gourdes.

— Ah ! qu’elle recommence ! éclata sauvagement Jolliveau, et je vous promets bien que ce ne sera pas comme sous mon prédécesseur.

Le baron regarda le préfet les yeux dans les yeux.

— Cette fois, dit-il, en appuyant sur chaque mot, il faudra aller jusqu’au bout. Jusqu’au bout, vous m’entendez ?

Jolliveau saisit la main de son interlocuteur et la serra nerveusement.

— J’irai ! prononça-t-il.

C’était un engagement formel et terrible. Car « jusqu’au bout » ne signifiait plus seulement la pression exercée sur les maires et les électeurs en vue du tripatouillage électoral. Jusqu’au bout, cela maintenant voulait dire la terreur policière et militaire, les arrestations, les condamnations arrachées à des juges naturellement féroces envers les déshérités qui ne sont point de leur classe. Cela voulait dire le syn-