Page:Malato - La Grande Grève.djvu/65

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Peut-être aussi se trouvait-il trop ému pour bien se rendre compte.

Était-elle morte ?

Doucement il l’étendit à terre, la tête un peu plus basse que les pieds et s’efforça de desserrer les mâchoires fermées. Le mineur se rappelait avoir lu des histoires de noyés rappelés à la vie au bout de plus d’une heure de submersion. Or, quelques minutes à peine s’étaient écoulées entre le moment où il avait entendu le cri d’appel et celui où il avait ramené le corps.

Galfe, après avoir desserré les mâchoires de la noyée, la déshabilla.

Sous la vigoureuse friction du mineur, un corps de jeune nymphe, d’une impeccable pureté de lignes apparaissait, raide et frigide comme un marbre. Peu à peu, il lui sembla que ce corps reprenait la chaleur et la vie. Un soupir contracta la poitrine, les paupières tressaillirent, se soulevèrent, laissant errer le regard encore trouble, vague de deux grands yeux noirs.

— Elle vit ! s’écria joyeusement Galfe.

Et, alors seulement il eut conscience de la situation, seul devant cette jeune fille nue, qu’il venait d’arracher à la mort.

Galfe était un chaste. Non par principe, car il professait cette idée que les individus des deux sexes doivent être absolument maîtres de leur cœur et de leur corps et que seule l’hypocrisie sociale en a décidé autrement. Il respectait l’être qui se donne par amour, plaignait la malheureuse qui se vend par misère et méprisait foncièrement celui ou celle qui se marie par intérêt. Mais, vivant avec son imagination dans un monde tout idéal, resté farouche et peut-être au fond timide, il ne courait pas le jupon.

Devant la superbe nudité de ce corps qu’il venait d’arracher à la mort et achevait de ranimer, il se sentait troublé, embarrassé.