Page:Malato - La Grande Grève.djvu/84

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Enceinte ! Oui, Geneviève en avait eu la veille le premier doute, mais si vague encore qu’elle ne l’avait pas communiqué à son mari. Et puis cette affaire du revolver et des imprimés lui avait tourné la tête et fait tout oublier. Ce matin, elle avait eu confirmation de ses doutes ; ce malaise, troubles de l’estomac, nausées, qui s’était joint à ses souffrances morales, c’était la preuve indéniable de sa maternité. En elle germait un être destiné à souffrir comme tous ceux de sa classe et qui, à cette société capitaliste emprisonnant son père, servirait, garçon, de chair à travail et à canon, fille, peut-être de chair à plaisir !

Panuel lut tout cela dans les yeux de la jeune femme. Grave, il étendit la main et déclara :

— Geneviève, tant que je serai vivant et debout, ni vous ni la créature que vous portez n’aurez à souffrir. Et si jamais les juges avaient l’infamie de ne pas vous rendre votre mari, l’enfant d’Albert serait le mien.


X

GUERRE SOCIALE


Deux mois environ s’étaient passés. Le plan laborieusement échafaudé par Drieux avait reçu en grande partie son exécution.

Tandis que les socialistes s’excommuniaient au Congrès de Saint-Étienne, brisant en deux tronçons rivaux et impuissants le parti ouvrier, les anarchistes, fatigués des querelles de chefs et de dogmes, s’élançaient en enfants perdus en avant et en dehors des autres fractions révolutionnaires. Mais la réaction individualiste se faisait chez eux véhémente et chaotique : c’est la loi naturelle qui régit tous les partis de combat à leur naissance ; le temps seul élucide leurs idées et use leur fougue. Pleins d’enthousiasme, répudiant les chefs et attendant tout de