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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/269

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sentes à l’esprit dès qu’ils le souhaitent, et cela leur arrivant plusieurs fois le jour, presque tous concluent que la volonté qui accompagne la production ou plutôt la présence des idées en est la véritable cause, parce qu’ils ne voient rien dans le même temps à quoi ils la puissent attribuer et qu’ils s’imaginent que les idées ne sont plus dès que l’esprit ne les voit plus, et qu’elles recommencent à exister lorsqu’elles se représentent à l’esprit.

C’est aussi pour ces raisons-là que quelques-uns jugent que les objets de dehors envoient des images qui leur ressemblent, ainsi que nous venons de le dire dans le chapitre précédent. Car n’étant pas possible de voir les objets par eux-mêmes mais seulement par leurs idées, ils jugent que l’esprit produit l’idée parce que dès qu’il est présent ils le voient, dès qu’il est absent ils ne le voient plus, et que la présence de l’objet accompagne presque toujours l’idée qui nous le représente.

Toutefois, si les hommes ne se précipitaient point dans leurs jugements, de ce que les idées des choses sont présentes à leur esprit des qu’ils le veulent, ils devraient seulement conclure que selon l’ordre de la nature leur volonté est ordinairement nécessaire afin qu’ils aient ces idées ; mais non pas que la volonté est la véritable et la principale cause qui les rende présentes à leur esprit, et encore moins que la volonté les produise de rien ou de la manière qu’ils l’expliquent. ils ne doivent pas non plus conclure que les objets envoient des espèces qui leur ressemblent à cause que l’âme ne les aperçoit d’ordinaire que lorsqu’ils sont présents, mais seulement que l’objet est ordinairement nécessaire afin que l’idée soit présente à l’esprit. Enfin ils ne doivent pasjuger qu’une boule agitée soit la principale et la véritable cause du mouvement de la boule qu’elle trouve dans son chemin, puisque la première n’a point elle-même la puissance de se mouvoir. Ils peuvent seulement juger que cette rencontre de deux boules est occasion à l’auteur du mouvement de la matière d’exécuter le décret de sa volonté, qui est la cause universelle de toutes choses, en communiquant à l’autre boule une partie du mouvement de la première ; c’est-à-dire[1], pour parler plus clairement, en voulant que la dernière acquière autant d’agitation que la première perd de la sienne : car la force mouvante des corps ne peut être que la volonté de celui qui les conserve. comme nous ferons voir ailleurs.

  1. 1. Voy. le ch. 3 de la deuxième part. de la Méthode et de l’Éclaire. sur ce même ch.