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Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/272

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tuellement dans nous-mêmes les idées de toutes choses ; puisqu’en tout temps nous pouvons vouloir penser à toutes choses ; ce que nous ne pourrions pas si nous ne les apercevions déjà confusément, c'est-à-dire si un nombre infini d’idées n’était présent notre esprit ; car enfin on ne peut pas vouloir penser à des objets dont on n’a aucune idée. De plus, il est évident que l’idée on l’objet immédiat de notre esprit, lorsque nous pensons à des espaces immenses, à un cercle en général, à l’être indéterminé, n’est rien de créé ; car toute réalité créée ne peut être ni infinie ni même générale, tel qu’est ce que nous apercevons alors. Mais tout cela se verra plus clairement dans la suite.


CHAPITRE V.


Que l’esprit ne voit ni l’essence ni l’existence des objets en considérant ses propres perfections. Qu’il n’y a que Dieu qui les voie en cette manière.


La quatrième opinion est que l’esprit n’a besoin que de soi-même pour apercevoir les objets ; et qu’il peut, en se considérant et ses propres perfections, découvrir toutes les choses qui sont au dehors.

Il est certain que l’àme voit dans elle-même et sans idées toutes les sensations et toutes les passions dont elle est capable, le plaisir, la douleur, le froid, la chaleur, les couleurs, les sons, les odeurs, les saveurs, son amour, sa haine, sa joie, sa tristesse et les autres ; parce que toutes les sensations et toutes les passions de l’âme ne représentent rien qui soit hors d’elle, qui leur ressemble, et que ce ne sont que des modifications dont un esprit est capable[1]. Mais la difficulté est de savoir si les idées qui représentent quelque chose qui est hors de l’âme et qui leur ressemble en quelque façon, comme les idées du soleil, d’une maison, d’un cheval, d’une rivière, etc., ne sont que des modificátions de l’âme ; de sorte que l’esprit nfait besoin que de lui-même pour se représenter toutes les choses qui sont hors de lui.

ll y a des personnes qui ne font point de difficulté d’assurer que l’àme étant faite pour penser, elle a dans elle-même, je veux dire en considérant ses propres perfections, tout ce qu’il lui faut pour apercevoir les objets ; parce qu’en effet, étant plus noble que toutes les choses qu’elle conçoit distinctement, on peut dire qu’elle les contient en quelque sorte éminemment, comme parle l’École, c'est-à-dire d’une manière plus noble et plus relevée qu’elles ne sont en elles-mêmes. Ils prétendent que les choses supérieures com-

  1. Voy. Des vraies et fausses idées de M. Arnauld.