Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/407

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manière d’être qui soit en nous. Néanmoins, comme par les biens et les maux on entend d’ordinaire les choses bonnes et mauvaises, et nou pas les sentiments de plaisir et de douleur, qui sont plutôt les marques naturelles par lesquelles l’âme distingue le bien d’avec le mal, il semble qu’on peut dire sans équivoque que le mal nest que la privation du bien, et que le mouvement naturel de l’âme qui l’éloigne du mal est le même que celui qui la porte au bien. Car enfin, tout mouvement naturel étant une impression de l’auteur de la nature, qui n’agit que pour lui et qui ne peut nous tourner que vers lui, le véritable mouvement de l’âme est toujours essentiellement amour du bien, et n’est que par accident fuite du mal.

Il est vrai que la douleur se peut considérer comme un mal ; et en ce sens le mouvement des passions qu’elle excite n’est point réel ; car on ne veut point la douleur ; et si l’on veut positivement que la douleur ne soit pas. c’est qu’on veut positivement la conservation ou la perfection de son ètre.

La troisième chose qu’on peut remarquer dans chacune de nos passions est le sentiment qui les accompagne, sentiment d’amour, d’aversion, de désir, de joie, de tristesse. Ces sentiments sont toujours différents dans les différentes passions.

La quatrième est une nouvelle détermination du cours des esprits et du sang vers les parties extérieures du corps et vers celles du dedans. Avant la vue de |’objet de la passion, les esprits animaux étaient répandus dans tout le corps, pour en conserver généralement toutes les parties ; mais, à la présence du nouvel objet, toute cette économie se trouble. La plupart des esprits sont poussés dans les muscles des bras, des jambes, du visage et de toutes les parties extérieures du corps, afin de le mettre dans la disposition propre à la passion qui domine, et de lui donner la contenance et le mouvement nócessaire pour l’acquisition du bien ou pour la fuite du mal qui se présente. Que si les forces de l’homme ne lui suffisent pas dans le besoin qu’il en a, ces mêmes esprits sont distribués de telle manière qu’ils lui font préférer machinalement certaines paroles et certains cris, et qu’ils répandent sur son visage et sur le reste de son corps un certain air capable d’agiter les autres de la même passion dont il est ému. Car, comme les hommes et les animaux tiennent ensemble par les yeux et par les oreilles, lorsque quelqu’un est agité, il ébranle nécessairement tous ceux qui le regardent et qui l’entendent, et il fait naturellement sur leur imagination une impression qui les trouble et qui les intéresse à sa conservation.

Pour le reste des esprits animaux, il descend avec violence dans