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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/53

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à leurs propres yeux et aux yeux des autres. C’est ainsi que le caractère obligatoire de ces prescriptions est un effet de penchants naturels tels que l’égoïsme, la vanité et l’ambition, mis en œuvre par un mécanisme social spécial qui comporte, entre autres éléments, certaines actions obligatoires.

En se servant d’une « définition minimum » plus large et plus élastique de la loi, on découvrira ailleurs des phénomènes juridiques analogues à ceux que nous avons observés dans la Mélanésie du Nord-Ouest. Il est certain que la coutume ne repose pas uniquement sur une force universelle, indifférenciée et omniprésente, telle que l’inertie mentale. L’existence de cette force ne fait pas de doute, mais elle ne fait qu’ajouter son action à celle d’autres facteurs de contrainte. Il doit exister dans toutes les sociétés une catégorie de prescriptions trop pratiques pour être appuyées sur des sanctions religieuses, trop pénibles et désagréables pour que leur accomplissement soit abandonné au bon vouloir des gens, d’un intérêt vital trop personnel pour qu’on songe à les imposer par un recours à un facteur abstrait. Cette catégorie est celle des prescriptions purement légales, et j’ose prédire que tous ceux qui voudront s’en donner la peine découvriront comme moi que la réciprocité, l’incidence systématique, la publicité et l’ambition, sont les principaux facteurs qui, dans la législation primitive, imposent l’obéissance à ses règles et prescriptions.