Aller au contenu

Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

téristiques de la vie sociale, la chaîne des devoirs réciproques, l’accomplissement cérémoniel des obligations, la réunion d’un certain nombre de transactions disparates en un ensemble cohérent s’expliquent par la fonction que remplit chacun de ces éléments et qui consiste à suppléer à la force coercitive de la loi. Les rapports entre le prestige héréditaire, le pouvoir de la sorcellerie et l’influence ayant sa source dans les exploits personnels s’expliquent, tels qu’ils existent aux îles Trobriand, par le rôle culturel de chacun de ces principes. Tout en restant sur un terrain rigoureusement empirique, nous avons pu expliquer tous ces faits et particularités en faisant ressortir aussi bien leurs conditions que les fins auxquelles ils servent, autrement dit en fournir une explication scientifique. Ce genre d’explication est loin de rendre inutiles des recherches ultérieures sur le niveau que telles ou telles coutumes occupent dans l’échelle de l’évolution ou sur leurs antécédents historiques. Il y a place aussi bien pour le point de vue historique que pour la méthode théorique ; mais ce point de vue ne doit pas prétendre se mettre au-dessus de l’anthropologie, et, encore moins, à l’éliminer. Il est grand temps que les savants qui étudient l’homme puissent enfin dire à leur tour : « hypotheses non fingo ».