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ÉLÉVATION DU POUVOIR FRANÇAIS DANS L’INDE

prises ; des lettres reçues quelque temps auparavant avaient annoncé son départ d’Europe, et ces lettres contenaient des instructions pour l’anéantissement de tout commerce français. Aussi M. Morse ne répondit-il, aux propositions de Dupleix qu’en alléguant les ordres qu’il avait reçus d’Angleterre[1].

Un autre désappointement était encore réservé au Gouverneur français ; il avait espéré que, dans le cas où ses négociations resteraient sans résultat, il recevrait l’assistance annoncée de l’escadre de La Bourdonnais ; or, au moment même où lui parvint la réponse défavorable de M. Morse, il reçut l’avis, que, obéissant à des instructions venues de Paris, La Bourdonnais avait renvoyé son escadre en France et paraissait dépourvu de tout moyen de le secourir. Ne connaissant pas encore l’indomptable énergie et la ferme résolution qui caractérisaient le Gouverneur de l’Île de France, Dupleix se regarda alors comme entièrement réduit à ses propres ressources, et ne devant désormais compter que sur lui seul. Avec une garnison qui ne comprenait que quatre cent trente-six Européens, des fortifications augmentées, il est vrai, mais encore inachevées, un seul petit vaisseau à sa direction, il devait affronter l’attaque probable de trois vaisseaux de guerre et une frégate, auxquels se joindraient bientôt deux autres vaisseaux dont la seule artillerie tirant de la racle pouvait détruire la ville, sans qu’eux-mêmes fussent exposés au moindre danger. Dupleix fit partir son unique vaisseau pour l’Île de France, avec mission d’exposer à La Bourdonnais son pressant besoin d’être secouru. Une pareille situation était bien de nature à mettre en relief la valeur d’un homme. Comment nous détourner de pareils dangers, comment surtout en tiret avantage ? La chose était assurément difficile ; Dupleix néanmoins résolut heureusement ce double problême. Ce fut au moment où les dangers venant d’Europe paraissaient le plus menaçants, que cette vieille politique, ineugurée par Martin et continuée par sesuccesseurs, ce système de relations amicales et sur un pied d’égalité avec les indigènes, portèrent les fruits qu’on en devait attendre. Se voyant menacé par Morse, Dupleix fit appel à l’amitié du successeur

  1. Dupleix, Orme. Cambridge.