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PROTESTATIONS D’ANWAROUDIN

Sur ces entrefaites, le nabab Anwaroudin apprit que les Français avaient réellement exécuté leurs projets et mis le siège devant Madras. Quoique ce prince fût indubitablement porté vers les intérêts français, rien n’était plus loin de ses intentions que de leur permettre de s’établir sur le territoire de leurs rivaux européens. En conséquence, il dépêcha à Dupleix un messager monté sur un rapide chameau et porteur d’une lettre par laquelle le nabab exprimait sa surprise des événements qui se passaient à Madras, et menaçait, si les opérations contre cette ville ne cessaient immédiatement, d’envoyer une armée pour assurer l’exécution de ses ordres. Mais Dupleix connaissait à fond les Asiatiques. Déterminé à poursuivre ses projets sur Madras et cependant ne voulant pas s’attirer des hostilités de la part du représentant du Mogol, il conçut un plan par lequel, pensait-il, Madras serait à toujours perdu pour les Anglais, même si les Français ne conservaient pas leur conquête. Dans ce but, il envoya immédiatement à son agent à Arcate, des instructions pour informer le nabab qu’il ne prenait Madras que pour le lui remettre aussitôt après la reddition. Dupleix, étant bien renseigné sur la rançon de Madras dont La Bourdonnais lui avait vaguement parlé dans sa précédente correspondance, il devenait urgent qu’il instruisît l’amiral de rengagement qu’il venait de prendre. Donc, le 21 à huit heures du soir, il lui envoya un exprès, muni d’une lettre informant La Bourdonnais de la négociation entamée avec le nabab, et lui interdisant d’admettre aucunes


    mention d’aucune promesse au sujet d’une rançon. Dans la lettre du 21, huit heures du soir, et écrite seulement six heures après l’entrevue qu’il raconte, La Bourdonnais dit ; « MM. les Anglais se sont rendus à moi avec plus de précipitation encore que je ne vous l’ai écrit. Je les ai à ma discrétion. » Pas un mot de rançon ! Dans la lettre plus étudiée qu’il écrivit deux jours après, il dit : « Les conditions auxquelles cette ville s’est rendue à moi la mettent pour ainsi dire à ma discrétion. Cependant il y a une sorte de capitulation, signée du Gouverneur et dont ci-joint est copie. Elle ne fait comme vous voyez, qu’autoriser les droits que j’ai sur le sort de cette place. » — Ici encore, pas un mot des promesses solennelles et réitérées rapportées avec tant de détail dans ses Mémoires ! De plus, si nous examinons la capitulation elle-même, nous verrons que tout y est conditionnel. Il y avait eu, sans nul doute, une discussion au sujet d’une rançon, mais la question avait été différée ; qu’elle fût douteuse, on le voit par les termes employés dans le quatrième article ; il y est dit que : « Si la ville est restitjiée contre rançon, alors les Anglais, etc. »

    Quoi qu’il en soit, il est certain qu’il n’y avait aucun lieu, pour La Bourdonnais de faire une semblable supposition. Madras étant complètement à sa merci, et aussi qu’elle était en opposition formelle avec les desseins qu’il savait avoir été formés par Dupleix, son supérieur sur le sol indien.