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DE BUSSY JUSQU’EN 1754

Par ce traité, les Français s’enrichissaient d’un territoire long de quatre cent soixante-dix milles sur le bord de la mer (depuis le lac de Chilka jusqu’à Molupuly), d’une largeur variant de trente à cent milles ; arrosé par des rivières telles que le Kistna, le Gondecama et le Godavéry, comprenant l’île de Divi et les territoires précédemment cédés. Il renfermait les villes importantes de Ganjam, de Chicacole, Vizianagram, Vizagapatam, Coringa, Yanaon, Mazulipatam, Ellore et Nizampatnam. Ce territoire réuni, qui reçut plus tard le nom de Circars du Nord, offrait une superficie de dix-sept mille milles géographiques, et produisait un revenu annuel d’environ dix millions de francs. Ses forêts abondaient en bois de Teck ; une partie de ce pays était renommée pour ses manufactures d’étoffes, et une autre pour la culture du riz. Il n’était pas dépourvu de moyens de défense ; d’un côté, il était bordé par la mer, et du côté de l’intérieur, il était protégé par une chaîne de montagnes qui serpentait presque parallèlement à la mer. Ces montagnes étaient couvertes de forêts impénétrables, dans lesquelles il n’existait que trois ou quatre passages que cent hommes pouvaient défendre contre une armée entière. Pour employer le langage d’un historien anglais, « ces territoires rendirent les Français maîtres des plus grands domaines, en étendue et en valeur, qui eussent jamais été possédés par des Européens, sans excepter les Portugais, lors de leur plus grande prospérité[1]. »

Un tel prix n’était-il pas digne de la lutte ? Cette cession d’un territoire important, riche et pouvant être aisément défendu, ne justifiait-il pas l’opiniâtreté avec laquelle Dupleix poursuivait ses plans, et le long séjour de Bussy dans le Décan ? Quel est l’observateur impartial qui, considérant la position des Français et celle des Anglais à la fin de 1753, hésiterait à affirmer que les principaux avantages avaient été remportés par les Français ? Les Anglais contemporains ne purent s’empêcher de le reconnaître. Si à cette époque il eût été possible à Dupleix de sacrifier quelques-unes de ses hautes prétentions, d’abandonner un peu les dehors grandioses pour rendre plus certains les avantages matériels, sa politique au

  1. C’est à Orme qu’est en grande partie empruntée cette description des Circars du Nord.