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CONSÉQUENCES DU RAPPEL DE DUPLEIX

ne pouvons rien traiter avec le nouveau Gouverneur, qui n’entend point nos affaires comme M. Dupleix. D’ailleurs, il paraît que les Français ne sont ni si puissants, ni si généreux qu’ils voulaient nous le faire entendre, et que les Anglais ont absolument le dessus sur eux. Je ne vous cache donc pas que je vais traiter avec les Anglais et Mahomed-Ali, pour avoir des secours des uns et des autres. »

Les lettres des officiers français eux-mêmes n’avaient rien de plus consolant. Moracin, gouverneur de Mazulipatam, écrivait à de Bussy : « J’ai prévu dans le même sens que vous l’effet que produirait l’arrivée de M. le commissaire du Roi dans l’Inde. Je lui ai écrit il y a quinze jours, et je compte avoir donné à M. Godeheu les mêmes avis que vous ; car il est bon de vous dire que nos banquiers m’ont fait part des lettres qu’ils ont reçues de Madras, par lesquelles on leur marque que le Roi d’Angleterre avait fait dire au Roi de France de retirer M. Dupleix de Pondichéry ou bien qu’il lui déclarerait la guerre ; à quoi les mêmes lettres ajoutent que le Roi de France, en expédiant un nouveau Gouverneur, lui avait dit : Allez faire la paix dans l’Inde ; rendez au nabab toutes les terres qu’il a données à la Compagnie ; je ne veux pas qu’on les garde, parce que cela fâcherait mon frère le Roi d’Angleterre. » Bussy et Moracin sentirent si vivement combien la position était désespérée, qu’il n’y eut que les sollicitations instantes que Dupleix leur adressa de continuer à servir la France, n’importe par qui elle fût représentée, qui pussent les déterminer à rester à leurs postes. La réponse de Bussy à cette exhortation mérite d’être rapportée. « Je réponds à la lettre que vous m’avez fait la grâce de m’écrire du 4 août ; votre départ pour l’Europe est un coup de foudre qui m’a atterré et consterné. Vous m’exhortez, en partant, à continuer de servir la nation et à soutenir un ouvrage qui est sur le penchant de sa ruine. Croyez-vous sincèrement que je ne serai pas enveloppé dans la même disgrâce que vous ? Le coup n’est peut-être différé ou suspendu que pour être frappé avec plus d’éclat. Quoi qu’il en soit, je me suis toujours fait un devoir de déférer à vos conseils et de suivre vos lumières. Je ne me départirai, en aucune conjoncture, de ce respectueux et invio-