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DERNIÈRE LUTTE

Quoique Lally combinât ainsi de petites entreprises, l’état de son armée lui ôtait toute possibilité de rien entreprendre de vraiment grand. Ses soldats eurent souvent à supporter de rudes épreuves, mais ils les auraient endurées avec bonne volonté s’ils n’eussent été exposés à de fâcheuses influences. L’esprit d’antipathie qui régnait à l’égard de Lally, dans la chambre du Conseil de Pondichéry, avait pénétré dans la division franco-indienne qui était au service immédiat de la Compagnie des Indes, et son exemple s’était fait sentir parmi les troupes royales. Les choses furent amenées à un point critique par une mesure qui n’était en elle-même qu’un détail fort ordinaire. Il arriva qu’après la levée du siège de Madras, les deux gouvernements convinrent d’un échange de cinq cents prisonniers. Les Français échangés en vertu de cette convention appartenaient pour la plupart aux forces de la Compagnie, et avaient été pris devant Trichinopoly, lorsqu’ils servaient sous Astruc, Brennier, Mainville et Maissin. Quelques-uns avaient été prisonniers pendant cinq ans, bien soignés et bien nourris. Lally, pour remplir les vides de son régiment, y envoya deux cents de ces hommes ; mais après cinq ans d’oisiveté et d’inaction, ils n’étaient guère propres à la dure vie des camps, à la maigre chère et à la sévère discipline qui y régnait. Ils ne cachèrent pas leur mécontentement, et cherchèrent même à le communiquer à leurs camarades. La première manifestation de ce mauvais esprit eut lieu dans le fort de pierre de Covrebank ; au lieu de se défendre, ce qui était facile, le petit corps qui le gardait l’évacua à la première sommation des Anglais. Mais ce fut quatre semaines plus tard qu’eut lieu la grande explosion. À l’instigation de ces deux cents prisonniers échangés, le régiment de Lally, à l’exception des officiers, des sous-officiers et de cinquante vieux soldats, se mutina tout à coup, et, sortant de Chingleput, déclara qu’il allait passer aux Anglais. À l’avis de cette menace, les officiers s’élancèrent à leur poursuite, employèrent tour à tour la menace et la persuasion, payèrent une partie de l’arriéré, en promirent une autre, et les amenèrent à rentrer dans le devoir, sauf soixante des anciens prisonniers de Trichinopoly, qui persévérèrent dans leur lâche désertion[1]. Lally ne

  1. Nous avons préféré le récit qu’a fait Lally de cette révolte à celui de M. Orme.