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Page:Mandat-Grancey Chicago 1898.djvu/14

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tions qui sont déjà entourées de quelques champs. La première année, on écorce une couronne autour de chaque arbre qui meurt au printemps. Le premier gros orage qui passe le jette par terre. On le brûle pour s’en débarrasser. Les vaches mangent avidement l’herbe qui pousse entre les souches : au bout d’un an ou deux, celles-ci seront assez pourries pour se laisser déchausser par les énormes charrues attelées de huit ou dix paires de bœufs, et, à l’automne suivant, le fermier pourra envoyer à Chicago un train chargé de son blé.

Enfin, à dix heures trente, nous entrons dans une immense gare le train vient s’arrêter le long de quais pavés en bois, qui doivent fournir de bien terribles éléments de combustion aux incendies si fréquents dans ce pays : nous sommes à Chicago.

Dans la cour de la gare, nous trouvons des omnibus pour nous conduire à l’hôtel. Ils sont attelés de beaux chevaux gris pommelé qui font honneur à leurs pères percherons. L’Illinois est depuis dix ans le grand centre d’importation de ces admirables animaux, et dès le premier coup d’œil que nous jetons aux attelages des camions et des innombrables charrettes que nous croisons dans les rues, nous pouvons constater l’heureuse influence du vieux sang normand sur la production chevaline de ce pays. Il paraît qu’à la troisième génération il n’en reste plus rien : mais les résultats obtenus, au cours des deux premières, sont si remarquables, que les Yankees semblent prendre très facilement leur parti de l’obligation où ils se trouvent d’importer toujours de nouveaux reproducteurs.

Dans ces rues, le mouvement est prodigieux. Nous passons dans un tunnel qu’on a creusé sous un large cours d’eau. Plus loin, nous traversons une autre rivière sur un pont tournant, du haut duquel nous voyons une multitude de grandes goélettes amarrées contre les quais des deux rives ; des grues agitant leurs grands bras au milieu des mâtures enchevêtrées ; des petits remorqueurs entraînant vers le lac des navires dont l’équipage, groupé à l’avant, déborde, avec de longues gaffes, aux endroits difficiles ; toute la joyeuse confusion d’un port de mer : enfin, notre omnibus s’arrête devant un immense édifice occupant, à lui seul, tout un block ; par la porte entr’ouverte, nous distinguons un hall immense, encombré d’une foule de gens qui se bousculent. On se croirait à une bourse. Nous sommes simplement arrivés au Grand Pacific Hotel.

II
chicago.

Quand nous avons eu inscrit nos noms sur le registre de l’hôtel, le clerk nous a fait conduire à un appartement situé au deuxième