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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/132

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XIX

Laurence essayait de trouver un soulagement dans son travail quotidien. Mais là encore, son genre de besogne s’y prêtait trop peu pour qu’elle pût y prendre intérêt. Tant qu’il s’agissait de comptabilité, elle s’absorbait assez volontiers dans les chiffres ; mais il fallait aussi qu’elle reçût les clientes. Chez le tailleur pour dames, c’était la caissière qui discutait en premier le prix des costumes et le choix des étoffes. On conçoit que la pauvre Laurence restait assez froide devant les coquettes qui s’extasiaient sur la finesse d’un tissu ou déploraient la hausse de la gabardine.

Ce soir, elle aspirait au moment proche de la fermeture qui allait lui rendre sa liberté. La journée avait été particulièrement fatigante. En dernier lieu, une grosse clame dont elle ne pouvait se débarrasser obsédait Laurence de ses reproches.

— Mais enfin, mademoiselle, vous aviez pourtant inscrit la date d’essayage sur votre livre… Comment se fait-il qu’on m’ait laissée venir pour rien ?

La grosse dame était sanglée dans un de ces corsets-maillots à la mode qui conservent toute sa souplesse à un corps souple, mais ne parviennent qu’à étrangler dans leurs mailles serrées l’épaisseur d’un corps adipeux. Sa toilette trop jeune, trop élégante, trop recherchée, semblait caricaturale à côté de la mise