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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/41

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Et, résigné, il s’apprête à monter la garde auprès de son véhicule,

Laurence lui crie :

— Quand vous serez rentré à Paris, venez vous faire payer à la maison : Mlle d’Hersac, rue Vaneau… Je n’ai pas d’argent sur moi.

L’homme acquiesce, d’un geste confiant.

Une fois de plus, Laurence était emportée à toute vitesse à travers la campagne. Le jeune Américain accélérait l’allure de son auto avec une témérité qui enchantait la jeune fille : à peu près du même âge, ils vibraient l’un et l’autre d’une même impatience.

L’adolescent répétait d’une voix hachée par le vent :

— Vous verrez ce qu’est Jack Warton… je suis persuadé qu’il pourra quelque chose pour votre pauvre mère.

Cette foi aveugle influençait Laurence. Ébranlée, elle songeait : « Si, pourtant, on pouvait la sauver ! » Prise de gratitude, elle regardait sympathiquement son petit compagnon.

Qu’il était jeune !… Vingt ans, pas plus. Un visage de fille aux joues duvetées, au teint rose à peine hâlé par le grand air. Les cheveux, un peu longs, frisottaient en mousse blonde au-dessus des oreilles. Le profil avait cette nette régularité, cette finesse exquise du modelé qui apparentent certaines figures américaines aux chefs-d’œuvre de la statuaire grecque.

Laurence admirait naïvement ce joli garçon dont la sensibilité presque féminine la réconfortait si profondément à cet instant : elle le sentait aussi troublé qu’elle, touché par sa douleur. Il émettait cette réflexion à voix haute, et son accent vibrait d’émotion contenue :