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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/44

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Le son de cette voix profonde qui s’assourdissait pour poser la question pénible déchaîna la crise nerveuse que Laurence réprimait depuis le matin. Elle fut cette chose lamentable qui hurle et gémit comme une bête écrasée tandis que son corps se plie, se tord et se convulsé comme une herbe battue par l’orage. Et, de ses lèvres, sortaient des phrases entrecoupées :

— Oh ! ma petite maman… vous la sauverez, dites… Nous nous aimions tant : je ne pourrais pas me passer d’elle… Si vous la voyiez si changée… Son pauvre visage ; ses pauvres petites mains qui me caressaient… Pourvu qu’elle ne soit pas morte, quand nous arriverons !

Et, soudain, cette conviction s’implantait dans l’esprit affaibli de Laurence ; sa mère avait dû mourir pendant son absence ; et, les yeux hagards, hallucinée d’épouvante, elle tâchait à se représenter la scène…

Jack Warton se taisait, ne contrariant pas l’accès qui la laisserait sans force — mais qui vaincrait son mal. Si ses traits impassibles n’exprimaient rien, son regard reflétait toute la peine de la jeune fille. Il est quelques médecins qui ne sont jamais blasés par le spectacle de la souffrance humaine. Le chirurgien appartenait à cette rare catégorie : malgré tous les tableaux de désespoir et d’agonie qu’il parcourait dans sa carrière ainsi qu’une funèbre galerie d’horreur, il frissonnait à cet instant en écoutant ce grand cri de douleur filiale.

Quand il jugea bon d’intervenir, il se contenta de poser sa large main sur l’épaule de la jeune fille : et ce fut la détente… Sous cette étreinte virile, Laurence eut l’impression