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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/68

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Quoique nul ne pût l’observer, il redoutait de ne pas se montrer assez crâne pour affronter cette sensation neuve. Une surprise agréable le rassura : la fuite horizontale de l’avion qui s’élevait lentement et régulièrement, par progression imperceptible, lui causait l’impression d’une course en auto — une auto perfectionnée, rapide, douce, légère, flottante, élastique, dont on n’eût point senti les roues heurter le sol. Un plaisir très vif remplaçait peu à peu ses craintes. Il avait d’abord fermé ses yeux. Il osait maintenant les ouvrir : la terre s’éloignait graduellement, se découpant en dessins linéaires ; les maisons formaient des petits cubes blancs, noirs ou bruns. La forêt de C… devenait un rectangle vert sombre. L’eau glauque d’un lac avait l’air d’une plaque de tôle posée sur le sol. Le grand jour à présent éclairait tout cela, dissipant les dernières brumes de l’aurore. Une sensation physique arracha Teddy à ce spectacle : il suffoquait, à cette altitude élevée. L’air lui piquait douloureusement la peau. À travers les gros gants épais, ses doigts fourmillaient avec l’impression de brûlure que cause la réaction du froid. Il gênait : « Oh ! que j’ai mal aux mains ! » Le supplice, presque intolérable, amena des larmes dans ses yeux. Puis, il finit par perdre la notion de cette souffrance, à force d’en souffrir. Il admirait son compagnon qui semblait parfaitement à l’aise.

En principe, l’aviateur devait essayer son appareil pendant une demi-heure, puis retourner sur le terrain de départ et y atterrir. En