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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/88

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même ? Laurence, séduite, mais ne cherchant pas à séduire, s’abstenait de toute coquetterie à son égard. Garde-malade absorbée et surmenée, elle l’avait reçu souvent sans être coiffée, en peignoir ou en blouse blanche : et si ce négligé ne pouvait enlaidir une fille de dix-huit ans, du moins ne révélait-il de sa part aucune arrière-pensée.

Jack Warton renouvelait donc ses visites rue Vaneau, sans défiance, s’y croyant amené par une pitié professionnelle qui le poussait à offrir ses soins à des êtres en peine.

Laurence lui dit d’une voix sourde :

— J’ai peur… Je sens qu’elle s’en va…

Le chirurgien la regardait fixement, sans répondre. Elle poursuivit, avec ce morne abattement des profonds désespoirs, plus impressionnant qu’une douleur bruyante :

— Le docteur est venu hier ; et, du reste, il m’a répété qu’avec une tumeur, dans l’état de faiblesse où elle est, il n’y a rien à faire, rien à espérer…

Warton se taisait toujours ; mais un sourire effleura ses lèvres : ce sourire particulier du médecin jugeant l’opinion d’un autre médecin. Laurence, saisissant cette expression furtive, interrogea avec une émotion subite :

— Vous ne partagez pas son avis ?… Oh ! dites… Il y aurait quelque chose à tenter ?… Je vous en supplie, répondez-moi !

Devant cette insistance anxieuse, Jack se décida à murmurer laconiquement :