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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/97

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son sourire s’accentue, affectueux, encourageant, reconnaissant à son tour envers cette explosion d’admiration émue qui est sa récompense.

Laurence s’approche de lui. Il va pour essuyer ses mains humides que le permanganate de potasse empourpre d’une teinte rougeâtre : trompée par ce mirage, la jeune fille a l’illusion d’y voir le reflet du sang maternel. D’un élan irrésistible, elle saisit ces mains au passage, avant qu’elles atteignent la serviette ; puis d’un geste biblique, dénouant sa coiffure lâche, elle essuie les doigts du sauveur avec ses longs cheveux annelés…

— Oh ! Mademoiselle ! proteste Warton.

Le geste inattendu le bouleverse par sa signification d’adoration passionnée. Il veut — gêné, honteux de tant de vénération. — retirer ses mains de cette chevelure brune dont les effluves parfumés le grisent malgré lui. L’exaltation qui suit l’impression de sa victoire chirurgicale le surexcite à l’unisson de Laurence toute vibrante de tendresse filiale et d’amour insoupçonné.

Il se penche brusquement sur la tête levée vers lui et dévore, au hasard, de baisers violents, pressés, frémissants, ce front blanc, ces joues enfiévrées…

Ils se sentent unis irrémissiblement par la fatalité de l’heure tragique qu’ils viennent de passer.

L’entrée du médecin les arrache à leur ivresse. Séparés par la présence d’un témoin, ils reprennent conscience de la réalité.

(À suivre.) JEANNE MARAIS.

(Illustration de Suz, Sesboué).