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Page:Marais - La Virginite de Mademoiselle Thulette.djvu/173

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statue orne le portail de l’Église, et qu’il prêchait la Réforme.

Mais trop foncièrement israélite pour comprendre l’état d’âme d’un parpaillot, son rêve, d’ailleurs taquiné par des tiraillements d’estomac, s’évanouit bien vite et le voyageur se rendit sur la Grand’Place.

Là, devant l’Hôtel de Ville peinturluré, dans la salle basse d’un restaurant où sommeillaient, piquées de mouches, les effigies des conseillers fédéraux, il avala une salade de cervelas, mâcha du rosbif aux pruneaux et but des chopes innombrables, cependant qu’une courte servante rougeaude, à tablier blanc, jouait des valses de Strauss l’ancien, Morgens-blaetter, Künstlerleben, et tant d’autres, sur un piano de la maison Burkhardt.

Plongés dans une silencieuse extase, des pompiers écoutaient ; leurs casques déposés à côté de leurs chopes, ils faisaient sortir de leurs pipes d’imposants tourbillons de fumée, comme s’ils eussent voulu suggérer au monde qu’ils s’étaient rendus là pour cause d’incendie.

— C’est beaucoup plus gai, ici, qu’à Zurich ! s’affirma le voyageur, sans aucune conviction.