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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/160

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programme que je m’étais tracé… Voici ma matinée gâchée : ce n’est pas encore aujourd’hui que je verrai Sylvie !

J’endosse ma jaquette, après avoir attaché la jupe trotteuse. Une cravate verte, un faux-col éblouissant tranchant sur la sobriété du tailleur noir, et jamais je ne me suis vue plus jolie que sous ces vêtements discrets dont la simplicité met ma fraîcheur en valeur, mieux que les soies et les velours tarabiscotés du soir.

Par exemple, le panama est trop négligé pour une démarche sérieuse. Je le remplace par un tricorne de paille noire, qui me fait paraître encore plus blonde.

Paul m’a regardée, étonné ; maintenant, il interroge, tandis que je boutonne mes gants :

— Tu sors ?… Où vas-tu ?

Je le fixe profondément, sans répondre.

Nos yeux se rencontrent, s’incrustent, s’expliquent, se gênent horriblement sans oser se détourner ; une sorte d’attraction nous force à subir ce supplice de la vrille, où chacun lit sa pensée dans les prunelles de l’autre.

Paul me devine, sachant bien, lui aussi, que si l’on parvenait à détacher Léon Brochard du clan Bouvreuil, à ramener l’ancien ministre