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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/22

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Qu’a-t-il voulu dire ?… « Soyez coquette ! » Coquette… Avec qui ? Avec Brochard ? Pourquoi ?… L’intérêt caché de Colin m’échappe, et pourtant, je sais que la moindre parole du banquier a toujours un but… Son conseil astucieux aboutit à rebours : toute décontenancée, je reste plantée en face de Léon Brochard, et j’observe ce mutisme stupide des gens auxquels on demande à brûle-pourpoint : « Racontez-nous quelque chose ! »

Et puis — c’est bête — je sens que Léon Brochard m’impose un peu. Je suis flattée, dans mon snobisme, que l’homme d’État se promène à travers mes salons, s’exhibe complaisamment, au grand étonnement des invités obscurs ; je songe à la vie passée de ce vieux routier du pouvoir qui se tint si longtemps en équilibre au-dessus des passions politiques grâce à ces deux balanciers : son activité prodigieuse et son bluff colossal ; je pense aux boutades virulentes qu’il rédige d’une plume acérée, et que les hommes de mon entourage — Colin, Paul Bernard — commentent avec tant d’admiration en lisant les journaux du soir. Bref, je subis le prestige… Et Léon Brochard m’intimide.