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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/360

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— Le marivaudage s’accorde mal avec la tragédie. Le flirt à houlette ignore l’usage du poignard, et c’est à la gravité de son acte que je proportionne l’amour de ton Céladon.

Bon ! la jalousie de Paul est éveillée, maintenant. Julien m’inspire alors une aversion suprême à la pensée que sa folie heurte mon bonheur, et que je dois me défendre contre les soupçons blessants en prenant sa bassesse même pour argument, en piétinant sa réputation — sa mémoire… Qui sait ?

Et c’est à l’intérieur de ce vieux fiacre qui sent le cuir et le tabac de caporal — ô contraste dérisoire du décor où se meuvent nos passions ! — que se livre ce débat angoissant pour moi : les phrases sortent de mes lèvres avec une facilité prodigieuse ; je trouve des arguments qui m’étonnent ; je prouve clairement à Paul que les desseins de Julien ne visaient que ma fortune ; qu’un affront remporté chez moi et la chute de ses quatre actes ont mis le comble à la surexcitation désespérée de ce jeune arriviste impulsif. Enfin — Paul convaincu — mes lèvres reviennent à leur fonction naturelle, et je ne m’étonne plus des arguments qu’elles infusent à celles de Paul…