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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/51

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faire ; sans cela, ma maison serait toujours pleine.

Je rentre avec Julien dans le petit salon. Le jeune homme commence une conversation banale que j’écoute distraitement : je songe à la robe qu’il m’empêche de mettre. Julien parle avec componction ; il a l’air d’un petit garçon bien sage qui débite un compliment de fête, en cherchant ses mots ; on est tenté de lui souffler la suite. Décidément, ce Dangel a une personnalité fuyante, on ne le devine pas ; est-il timide ou dissimulé ? Je le regarde. Avec sa tête blonde, sa figure fine et allongée de gentilhomme efféminé ; ses yeux pâles, d’un bleu gris ; son front hautain, ses joues délicates ; sa mine altière et réservée, il évoque les portraits de jeunes nobles que peignait Philippe de Champaigne.

Il est très joli. Or, chez un homme, la beauté attire : la joliesse inquiète.

Tout être qui me pose une énigme m’intéresse, même en me déplaisant. À la place d’Œdipe, je n’eusse point tué le Sphinx : je l’eusse plutôt invité à dîner. C’est pourquoi j’invite Julien :

— Je dois passer la soirée avec mon amie Nadine Ziska, je m’ennuie toujours d’un tête-à-