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Page:Marat - Éloge de Montesquieu, éd. Brézetz, 1883.djvu/51

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ÉLOGE DE MONTESQUIEU

core il entraîne à sa suite la jalousie, le soupçon, les chagrins et la fureur. Heureusement ces alarmes sont de courte durée ; et comme elles naissent de l’absence de l’objet adoré, sa présence les dissipe toujours. Tel est le plan de l’ouvrage ; mais il faut le voir embelli des charmes de la fiction.

Vénus ayant fixé sa demeure parmi les habitans de Gnide, Vulcain lui élève un palais dans un séjour délicieux. Son temple est placé sur une colline que couronne une antique forêt, et ce temple est armé de tout ce que la nature a de plus riant, de tout ce que l’art a de plus enchanteur. Près de là est une vaste prairie, et le bois de mirthes, qui l’égaye, sert de théâtre aux jeux innocens des bergers et des bergères, mêlés aux nymphes de la déesse. Charmée de la magnificence de son temple, Vénus elle-même (à la fois prêtresse et divinité) y établit son culte ; elle veut que l’amour n’y soit point profané, comme sur le reste de la terre. L’entrée n’en est permise qu’à ceux qui ont donné leur cœur. Les amans y adressent leurs vœux à leurs maîtresses : sur les autels de la fidélité et de la constance, ils offrent des soupirs en sacrifice, l’amour les recueille et a soin d’exaucer leurs vœux, car au plaisir d’aimer il joint le bonheur de plaire.

De ce temple superbe, Vénus va rendre ses oracles dans un antre sacré ; elle y écoute les mortels sans se jouer de leurs espérances ni de leurs craintes ; mais elle s’y montre terrible à ceux qui osent profaner son culte. Une coquette se présente avec fierté, la déesse la repousse et la condamne à voir flétrir ses charmes, à être délaissée et à mourir dans le mépris. Une courtisanne se présente ensuite, elle est repoussée avec plus d’indignation encore. Arrive un riche publicain, il est repoussé à son tour avec menace de voir ses trésors ne servir qu’à le dégoûter de tout ce qu’il y a de plus charmant dans la nature. Vien-