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Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/217

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le livre de la pousta

ondulation, aucun arbre n’arrête le regard et ne brise la violence du vent. De loin en loin apparaît un pâtre, se détachant immobile sur l’horizon clair, ou parfois semblant marcher, ainsi que ses bêtes, en l’air, comme sur des échasses. Le mirage, né des jeux d’un ardent soleil avec l’atmosphère tremblante et la terre verdâtre, y peuple le vide d’images fantastiques et les âmes de visions et de légendes merveilleuses.

Comme dans les steppes de la Russie, comme dans les savanes du nouveau monde, le caractère singulier du pays a imposé aux habitants une manière de vivre particulière et a marqué son empreinte sur leurs mœurs, leurs habitudes, leurs sentiments. Rien, dans les descriptions et les récits de M. de Justh, ne ressemble à ce que nous rencontrons sur notre route quand nous parcourons la France. Là-bas, l’homme est différent, comme la nature. Il n’est pas jusqu’à l’amour de la patrie qui n’y ait son cachet spécial. Dans nos contrées à horizons limités et définis, l’homme enlevé à sa chaumière paternelle est dépaysé ; il ne retrouve nulle part l’aspect, les lignes, les couleurs du petit coin de terre où il a essayé ses premiers pas et dont, quand il en parle, il dit : « Chez moi ! » Pour lui, la patrie, c’est le clocher de son village. Le pâtre de l’Alfoeld, sur quelque point que le transporte sa course errante, se croit encore chez lui. Il