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Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/224

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le charme de l’histoire

d’une exubérance contenue, danse devant l’orchestre le pas de recrutement des hussards, marquant le rythme à coups de talon !… Soudain, il tire de sa poche un billet de cinq florins, et le colle au front d’un tsigane ». Ce paysan est bien le frère des riches Hongrois qui se ruinent pour les tziganes, comme ailleurs on se ruine pour une danseuse.

L’Offrande du village nous montre un type bien étrange. M. de Justh, pendant un de ces longs voyages auxquels le condamne sa santé délicate, avait perdu à Palerme son fidèle domestique. Ses paysans, en apprenant cette nouvelle, lui font écrire par le plus âgé d’entre eux, le senior, pour le supplier d’accepter comme serviteur l’un d’eux, qui sera chargé par les autres de l’accompagner dans ces pays lointains qu’ils supposent pleins de périls, comme tout ce qui est inconnu. Istvan Ivanyi, que le village désigne pour cette mission, est un demi-sauvage, énergique, violent et fier. Il est obéissant et dévoué, parce qu’il doit l’être : c’est le devoir de sa charge et le devoir du paysan envers son seigneur. Mais il prétend garder son indépendance : il se sent courageux et fort ; il a sa dignité de magyar. « Il attachait sur moi, dit M. de Justh, ses yeux gris bleu, d’un air sombre, résolu, comme quelqu’un que le péril attend, mais qui sait que son devoir est de le braver… Il fallait voir ce lourd garçon, avec une sollicitude touchante dans sa gaucherie, mar-