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Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/312

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le charme de l’histoire

l’égoïsme puisqu’il survit à la mort : « On se console de l’abandon d’un ami, parce qu’on arrive à ne plus l’aimer ; mais on ne se console jamais de sa mort, parce que mort on l’aime encore » (194). C’est encore la même pensée qu’elle exprime sous une autre forme : « L’homme qui perd celle qu’il aime pense à mourir ; la femme qui perd celui pour qui elle est belle pense à détruire sa beauté. J’ai vu dans un cimetière musulman une magnifique chevelure noire nouée d’une corde et jetée de toute sa longueur sur la terre fraîche d’une tombe récente » (220). Ce qui intéresse et ce qui frappe la Comtesse Diane , aussi bien dans notre société émoussée par la civilisation que dans les races restées plus près de la nature, c’est la sincérité des sentiments : l’amour lui apparaît comme une affection profonde et absolue.

Comme nous sommes loin de La Rochefoucauld et de sa vaine galanterie ! Quelle différence entre cette passion qui commence par être sincère, même quand elle "doit finir, et un commerce amoureux qui ne s’est jamais fait illusion sur sa durée, où le cœur n’a jamais été engagé, qui n’intéressait que les sens ou que la vanité ! La Comtesse Diane a vu passer sous ses yeux cette frivole recherche du plaisir, mais elle ne s’attache pas, comme La Rochefoucauld, à la dépeindre, et elle n’en parle que pour exprimer son dédain. La Rochefoucauld avait dit :