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Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/34

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le charme de l’histoire

était Franc-Comtois, c’est-à-dire étranger aux Flandres ; à ce titre seul, sa présence irritait les Flamands. Aussitôt que les principaux seigneurs qui siégeaient à côté de lui dans les Conseils de Marguerite, Guillaume d’Orange, Egmont, de Hor­nes, se furent aperçus que le chef réel du gouvernement était lui, et non l’un d’eux, ils cherchèrent à l’éloigner. Aucun d’eux à ce moment n’avait intérêt à ébranler le souverain, aucun n’étant assez fort pour prétendre le remplacer ; mais tous convoitaient le pouvoir du ministre. Ce fut donc le ministre qu’ils attaquèrent. Ainsi, par des motifs tirés de la situation même, devançant en quelque sorte de trois siècles la théorie moderne de la fiction constitutionnelle, ils prirent soin de respecter le roi et de ne s’en prendre qu’à Granvelle. Ils affectèrent de croire que Granvelle seul était la cause de toutes les difficultés qui troublaient le pays. C’était lui qui, par ses mesures impolitiques, compromettait l’autorité du roi ; qui, par des persécutions inutiles et maladroites, poussait le peuple à la désobéissance. Ils l’accusèrent devant Philippe par leurs lettres pressantes et hautaines ; devant l’opinion publique par leurs libelles. Ils cherchèrent à l’intimider lui-même en faisant répandre contre lui des menaces de mort. Granvelle, impassible dans cette « incorruptible fidélité » que loue Schiller, ne se défendit que devant son maître, et