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Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/57

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lettres de dubuisson

lois, aussi bien pour corriger l’esprit public ou pour diriger les consciences que pour contraindre les intérêts économiques. Dubuisson voudrait, afin de prévenir la famine, que l’exportation des grains fût interdite ; il approuve le gouverneur de Picardie d’avoir saisi, pour les faire vendre sur place, des convois de blé qui traversaient sa province ; dès lors, il est naturel qu’il invoque la censure pour redresser les mœurs littéraires. Il va même plus loin ; moitié plaisamment, moitié sérieusement, il regrette « qu’il n’y ait pas un Parlement au Parnasse pour supprimer les mauvais vers… Sans doute il est difficile d’empêcher les sots d’écrire, mais les censeurs ne pourraient-ils pas les empêcher d’imprimer ! » Plus tard, il écrivit un Mémoire historique et généalogique de la maison de Béthune et il s’aperçut à ses dépens que la censure est aussi gênante pour les inoffensifs qu’inefficace contre les méchants.

Cette mauvaise humeur contre les ouvrages médiocres s’explique du reste par les habitudes des lettrés de l’époque. Les auteurs étaient peu nombreux ; leurs ouvrages s’imprimaient à un petit nombre d’exemplaires, par conséquent pour un petit nombre de lecteurs. Il semble que la vie intellectuelle de la nation était, comme sa vie politique et sa vie mondaine, concentrée dans une aristocratie limitée au lieu d’être répandue dans une innombra-