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Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/78

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le charme de l’histoire

Révolution. Il ne songe pas à décrire le mouvement des esprits, mais ce qui est beaucoup plus intéressant, il le subit ; il en est le vivant témoignage, et nous trouvons dans ses Mémoires des réflexions que notre siècle démocratique ne désavouerait pas, des traits de sage modération que peut-être nous n’aurions plus le courage d’imiter.

Ainsi, quand un ami lui offre l’Ordre du Mont­-Carmel et l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, il a le bon goût de les refuser. Il décide un de ses collègues à ne pas porter l’Ordre romain du Christ, en lui disant « qu’un Ordre qu’on acquérait pour de l’argent était au-dessous d’un honnête homme. Honnête homme est sans doute pris ici, comme au xviie siècle, pour homme de bon ton et de bonne éducation. La leçon serait encore aujourd’hui bonne à entendre.

Dufort n’est pas moins sensé quand il s’agit de son nom. Au moment de sa première présentation à la Cour, un de ses parents l’engage à prendre, comme l’usage l’y autorisait alors, le titre de marquis de Saint-Leu. Il s’y refuse, « résolu, dit-il, à porter toujours le nom de son père ». Plus tard, quand la terre de Cheverny est érigée pour lui en comté, il n’accepte cette faveur qu’après avoir obtenu la permission de placer le titre de Comte avant son nom de famille, et de s’appeler Comte Dufort, « afin, dit-il, de ne pas se débaptiser »,