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Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/83

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dufort de cheverny

l’intimité, était le plus aimable et le meilleur de tous les hommes. Comme particulier, comme père de famille, il aurait été aimé, estimé, considéré. Il ne lui manquait que ce qui manque à tous les rois, c’est de s’assimiler aux autres hommes. Accoutumés, du moment où ils naissent, à une espèce d’adoration, je crois fermement qu’ils se regardent comme au-dessus de l’espèce humaine… Il ne mettait aucune mesure vis-à-vis des autres, par défaut d’éducation » (I. 320). Quand le roi parle des affaires d’État comme si c’était un autre qui gouvernât (I. 228) ; quand il donne une de ces preuves d’égoïsme ou de brutalité qui nous révoltent ; par exemple, quand il s’amuse à mettre ses deux talons sur les pieds d’un goutteux en lui demandant si c’est là qu’il a la goutte (I. 320), ou quand, à son petit lever, voyant un courtisan foudroyé par une apoplexie rouler sur le parquet, sa perruque loin de lui, il s’écrie : « D’Argenson ! M. du Chayla vient de quitter sa perruque ! » (I. 173), le jugement de Dufort est toujours le même : « Grand tort d’une mauvaise éducation, car personnellement il était le plus excellent des hommes, quelques choses que les malveillants aient pu dire » (I. 228).

Quant au Comte de Charolais, ce maniaque brutal et grossier qui un jour, pour s’amuser, tira un coup de fusil à un couvreur sur un toit, voici ce que dit