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Page:Marchant de Beaumont - Manuel et itinéraire du curieux dans le cimetière du Père la Chaise.djvu/273

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de Bomare a déjà disparu de dessus la pierre chargée de le conserver ; il se retrouve dans ses ouvrages, mais il ne protège plus sa cendre. Combien les hommes et leur mémoire sont peu durables.

Les regards errent encore plus au loin sur l’enceinte de la fosse dans laquelle le pauvre a trouvé le repos après une laborieuse et pénible existence ; cependant quelques-uns vivent encore dans le cœur de leurs proches, car je vois sur leurs restes les branches du saule pleureur épandues ; ils possèdent des epitaphes, car j’aperçois de loin en loin des pierres funéraires et des croix où la vivacité du regret de leurs parens se peint avec une énergie qu’il n’est pas donné à l’effort du talent d’atteindre par toutes les règles de l’art. La misère est condamnée à pleurer ses morts sur leurs sépultures durant cinq années seulement ; il lui faut voir rapprochés l’un de l’autre, dans son triste réduit, l’innocence dans sa fleur, le vice dans sa turpitude, la vertu et le crime, et toutes les infortunes dont l’homme peut être tourmenté sur cette terre. A cet aspect chacun frémit. Ces sépulcres, dénués de toutes beautés, renferment cependant la cendre d’hommes justes, étrangers à la gloire, inconnus au moindre renom ; ils traînèrent péniblement le fardeau de la plus déplorable existence sur notre terre,