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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome IV.djvu/178

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POÉSIES INÉDITES


Si les regretz de père, mère, enfans,
Par desespoir me sont tous descouvers,
De cest espoir je m’arme & me deffendz,
Disant qu’en vous les ay tous recouvers ;
Fortune n’a sur cest espoir puissance
De le pouvoir en riens diminuer ;
Longueur de temps ne peult ceste espérance
Garder en moy, tousjours continuer.

Tous les ennuyz que le Ciel & la Terre
Peuvent donner à un corps & un cœur
Ne me sçauroient faire estimer leur guerre,
Car cest espoir en est le seul vainqueur ;
Tant qu’en ma main je le pourray tenir,
Puisqu’il vous plaist que sur luy je m’appuye,
Tant seure suis de tous maulx advenir
Que devant eulx ne pensez que je fuye.

Puisque je suis seure de vostre amour
Et que je sçay vous estre seulle seur,
La mort ne peult que me prendre, à ce jour,
D’amour contente & d’espoir & d’honneur ;
La mort ne crainctz, mais que tousjours la face
Je puisse veoir de mon frère & mon Roy
En seureté, que fermement je croy,
D’avoir sans fin part à sa bonne grace.



J’ay devers moy ce poinct & advantaige,
Pour garentir ma ferme loyaulté,
Que le long [temps] en donne tesmoingnaige,
Et mesme à vous si grande seuretė
Que tort avez si en avez doubté.