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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome IV.djvu/228

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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS

LETTRES DE RÉMISSION.

« Françoys, &c., savoir faisons, &c., Nous avoir, &c., de Michel de Sainct-Aignen, Seigneur dud. lieu, contenant que par ci devant il avoit résidé & demouré en la ville d’Allençon par long temps en honneur & bonne réputation ; & pour sa bonne prospérité, vie & gouvernement, y avoit eu plusieurs malveillans & envieulx qui se seroient esforcez lui pourchasser par moyens sinistres, fius & dissimulez, tous les maulx, finesses & tromperies qu’il seroit possible penser, combien que led. suppliant ne leur auroit oncques pourchassé desplaisir, injure ne dommaige ; entre autres ung nommé Jacques Dumesnil, jeune homme auquel led. suppliant auroit faict tous les plaisirs & avantaiges qu’il luy auroit esté possible, donne accès & habitude en sa maison ; pensant que led. Dumesnil feust son loyal amy, chargea à sa femme & serviteurs le traicter comme son frère quant il viendroit, esperant led. suppliant Aignen estre moyeu qu’il espouseroit l’une de ses parentes. Lesquelz bons tours & humanitez led. Dumaisnil auroict mal recougneuz ; mais, faisant le mal contre le bien suyvant la voye de iniquité, auroit mis & efforcé mettre division entre led. de Sainct-Aignen & sad. femme, qui tousjours auroient vescu en bonne, grande & parfaicte amour. Et pour mieulx parvenir à ses fins, auroit voullu donner à entendre à lad. femme, entre autres choses, que led. de Sainct-Aignen ne l’aymoit aucunement ; qu’il desiroit chacun jour sa mort ; qu’elle estoit abusée se fier en luy, & autres meschantes parolles qui ne doyvent estre recitées ; à quoy lad. femme auroit resisté, lui deffendant que plus ne eust à user de telz propoz, autrement le diroit à son mary. Et perseverant led. Dumaisnil, quelque foys que led. de Sainct-Aignen seroit allé dehors, auroict donné entendre à lad. femme qu’il estoit mort, en declarant enseignes & conjectures, pensant, en ce faisant, gangner entrée & allience avecq elle, qui encores y resista. Ce voyant led. Dumesnil, lui auroict donné à entendre que led. de Sainct-Aignen souvent seroit dehors ; qu’elle seroit heureuse si elle avoit ung mary qui se tiensist avec elle. En machiuant la mort dudict suppliant Aignen, luy auroit dict que si elle voulloit consentir à la mort dud. Sainct-Aignen son mary, qu’il l’espouseroit ; & de faict promectoit l’espouser. Et, pour ce que à soy consentir auroit esté reffusante, icelluy Dumaisnil trouva moien gaigner une chamberière de la maison, laquelle, led. Aignen estant hors, comme lad. femme estoit couchée, ouvrit l’huys aud. Dumesnil, qui contraignit lad. femme souffrir se coucher avec elle. Et depuis, icelluy Dumesnil