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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome IV.djvu/51

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FARCE DES FILLES ET DES MARIÉES

Leur faux parler ne me rendra paoureuse
D’aymer très fort, saichant que tout le bien,
Au pris d’Amour, se doit estimer rien ;
Car qui Amour ha dans son cueur enclose,
Il trouvera liberté son lyen,
Et ne sçauroit desirer autre chose.

La Première Fille.

Mieux me vauldroit tenir la bouche close
Que soustenir qu’il vault myeulx à ung cueur
D’estre vaincu que d’estre le vainqueur
De ceste Amour que vous louez si fort.

La Seconde Fille.

Comment vaincu ? Mais il en est plus fort,
Car le cueur seul, sans Amour, n’est que glace :
Amour est feu, qui donne lustre & grace,
Vye, vertu, sans qui le cueur n’est rien.

La Première Fille.

La liberté est suffisant moyen
Pour déchasser du cueur & Peur & Honte,
Et, quant à moy, je ne puis faire compte
De riens qui soit qui le puisse arracher
Hors de mon cueur.

La Seconde Fille.

Je ne veulx point tascher
De vous oster ceste vertu aymée,
Mais je dis bien que Liberté nommée
Doit estre Amour.