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Page:Marie Curie - L'isotopie et les éléments isotopes, 1924.pdf/32

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L’ISOTOPIE ET LES ÉLÉMENTS ISOTOPIQUES

par les méthodes de la chimie analytique sous le contrôle des méthodes de mesure propres à la radioactivité. Les radioéléments possèdent donc des propriétés chimiques définies au même titre que celles des éléments non actifs, et ces propriétés peuvent être mises en évidence même à l’état de dilution extrême, à condition que l’étude chimique soit complète et que l’on dispose de moyens de mesure suffisamment délicats et précis ; autrement dit, le problème est abordable pour des radioéléments, alors qu’il ne l’est pas pour les éléments ordinaires. Ainsi, c’est à l’aide des radioéléments que nous pouvons espérer entrevoir le mécanisme des réactions chimiques. On peut cependant penser que les propriétés chimiques d’un radioélément cesseraient d’être définies si la vie moyenne était assez brève pour que le temps nécessaire pour la réaction chimique se trouve être du même ordre.

La qualité chimique d’un radioélément est, en quelque sorte, indépendante de sa qualité radioactive. Le radium est un métal alcalino-terreux dont les propriétés chimiques sont exactement celles qu’on peut attendre de l’homologue supérieur du baryum dans la famille des métaux alcalino-terreux. Il peut arriver que le rayonnement d’un radioélément produise sur les composés de ce corps des effets spéciaux (par exemple, altération des sels de radium purs avec le temps, avec décomposition partielle), mais ces effets n’ont rien de chimiquement spécifique, en ce sens qu’ils pourraient aussi être produits par un rayonnement venant de l’extérieur de la substance. La démarcation nette entre les propriétés chimiques des radioéléments et leurs propriétés radioactives n’a rien de surprenant puisque les premières sont déterminées par la structure de l’enveloppe électronique, et même par la partie tout à fait superficielle de celle-ci, tandis que les dernières dépendent seulement de la structure du noyau.

Les trois émanations sont dépourvues d’affinités chimiques et doivent être considérées comme isotopes ; leurs poids atomiques sont certainement très voisins, ainsi qu’il résulte de leur provenance par transformations radioactives et de la mesure directe de la vitesse d’effusion [30]. Ces gaz offrent un exemple de la netteté avec laquelle peuvent être définies les propriétés physico-chimiques des molécules à l’état si dilué qu’on en trouve une ou deux par cm3, mélangées à celles de l’air au nombre de 3 x 10-19 par cm3. Même dans ces conditions, en effet, les molécules des émanations sont captées par une paroi froide qui les sépare de l’air et réalise leur concentration.

D’après diverses recherches certains radioéléments peuvent exister à l’état colloïdal ; dans ces conditions, ils ne peuvent subir la dialyse au travers de papier parchemin, et leur coefficient de diffusion dans le liquide