Aller au contenu

Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90

pas, les escarmouches étaient de tous les instants, mais ces dangers multipliés ne suffisaient pas à l’ardeur téméraire d’Isacesco qui recherchait les postes les plus périlleux et qui, souvent, au milieu de la nuit, partait en éclaireur, s’avançant au-delà des lignes turques, au risque d’être tué ou fait prisonnier.

Ses chefs faisaient grand cas d’un courage qui leur valait une foule de renseignements précieux touchant la nature du sol, les accidents de terrain et la position des ennemis ; ses égaux le comparaient à Codrean[1], et ne parlaient de lui qu’avec admiration. Parfois il revenait de ses expéditions solitaires avec un rire silencieux qui lui était devenu habituel, son fusil sentait la poudre brûlée et cependant pas un musulman n’avait paru dans les environs.

— Isacesco sait bien pourquoi il rit ! disaient les soldats avec des hochements de tête particuliers.

Il avait une façon singulière de combattre. Dans la mêlée il s’arrêtait soudain, le doigt appuyé sur la gâchette de son fusil, l’œil fixé sur un point quelconque de l’horizon. La pensée de Mariora lui remontait au cœur ; il la voyait toute petite, courant dans le maïs avec ses cheveux blonds ébouriffés ; il entendait sa voix, sa voix d’enfant qui disait : « Ionitza meù » ; alors il écoutait. Puis le chien s’abattait avec un claquement sec, un homme tombait au loin. Russe ou Turc ? Qu’en savait-on !

Ses paroles étaient aussi bizarres que ses actes.

Dans un engagement d’avant-garde, le canon de son revolver était braqué sur la poitrine d’un Ottoman.

— Pourquoi tuerais-je cet homme qui ne m’a jamais offensé ! dit-il tout haut.

  1. Héros célèbre d’une ballade roumaine.