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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/128

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Avec ses cheveux blonds en désordre, la fillette lui rappelait Mariora enfant. Elle se retira toute tremblante, les larmes dans les yeux, la cruche vide à la main.

— Eh ! petite ! fit le soldat, honteux de s’être laissé emporter à un mouvement de colère ridicule, viens ici. Comment te nomme-t-on ?

Sa voix, subitement radoucie, rassura l’enfant qui s’avança en souriant.

— Spérantza, répondit-elle.

— Spérantza ! répéta Isacesco rêveur. Il emplit lui-même la cofitza et glissa entre les doigts menus de Spérantza toute sa fortune : un gologan[1] !… puis, sans écouter les multziani[2] de la petite, il s’achemina vers la métropole.

— Il faut en finir ! se dit-il, la pensée de cette femme ne me quitte plus ; je revois partout son visage, jusque dans les traits d’une enfant inconnue qui ne lui ressemble pas. Je sens qu’elle est là, près de moi peut-être ; je sens que, tant que cette créature vivra, je n’aurai pas un instant de repos ; je deviens faible et lâche, je…

Il s’arrêta, puis reprit avec force : — J’ai tué l’amant, pourquoi ne tuerais-je pas la maîtresse ?

Cette nuit même, le sommeil de Zamfira fut brusquement interrompu par le bruit d’une motte de terre heurtant les vitres de sa fenêtre ; elle se leva à la hâte et crut reconnaître la voix d’Isacesco qui l’appelait.

— Ioan, est-ce toi ? demanda-t-elle.

— Oui, c’est moi ! répondit le dorobantz. Où est-elle ? ajouta-t-il brièvement.

— Mariora ? À Bucharest, strada Hagielor, 8, s’écria

  1. Un sou.
  2. Beaucoup d’années ; formule de remerciement.