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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/22

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une ville conquise ! Et vous me croirez si vous voulez : j’ai échoué !… La première fois !

— Oh ! la première fois ! s’écria Stenka Sokolitch, et la princesse Sarolta K. qui…

— C’était une ambassadrice, interrompit Iégor impatienté, je ne te parle pas des ambassadrices, moi !

— Eh ! là ! ne te fâche pas. On te croit. Conte-nous plutôt ton histoire.

Iégor se renversa avec fatuité dans un fauteuil, alluma un cigare et commença.

— Ce matin, je prenais l’air fort innocemment à l’endroit que ces bons Valaques appellent la Chaussée et que je baptiserais, moi : Sous les Tilleuls, quand j’aperçus, trottinant devant moi, une fille dont la tournure ne me déplut pas et qui paraissait jeune. Je vis bien à ses vêtements que ce n’était pas une boyarde, et, jugeant que la chose serait facile, je doublai le pas. — Mademoiselle ! lui dis-je en français. Elle se retourna. Elle n’était point laide vraiment ! au reste, brune comme une châtaigne. Elle me regarda avec des yeux effarés, murmura quelques mots en ce jargon de diable qu’ils baragouinent ici et me tourna les talons sans plus de cérémonie. Je réglai ma marche sur la sienne. — Mademoiselle ! repris-je, et j’appelai à mon secours ma science de polyglotte : ia lioubliou tebia ! ich liebe dich ! io t’amo ! Ah ! bien oui ! russe, allemand, italien, tout fut inutile : elle était sourde ! Certes, à Pétersbourg ou à Berlin, une fille de son espèce m’aurait compris, quand même j’eusse parlé chinois ! Je n’osais trop m’approcher de la petite, elle était escortée d’un énorme chien qui me regardait de travers. Je tentai pourtant l’aventure ; cet animal de chien ouvrait des yeux !… Je voulais parler à la belle, moi, non au chien. — Moushca ! dit-elle tout à coup,