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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/89

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— Qu’à cela ne tienne ! riposta Bogoumil, qui remplit jusqu’aux bords le verre de Rélia.

— Voyons, Monsieur, le piper ! siffla Boris du haut de son siège.

Le petit Roumain se tourna vers son interlocuteur et voulut protester, mais le regard du capitaine Vampire glaça les paroles sur les lèvres blêmes de l’étudiant.

— Connais-tu ceci ? dit Sokolitch en plaçant sous les yeux du jeune boyard ahuri une longue lanière de cuir durcie et recourbée. Nous appelons ce joujou un knout et nous nous en servons pour caresser lépiderme des soldats récalcitrants, ajouta-t-il d’un air dégagé.

Rélia passa instinctivement ses doigts délicats sur le manche grossier de l’instrument.

— Çà tape dur ! dit Bogoumil avec conviction.

— Monsieur Comanesco, reprit la voix stridente du capitaine Vampire, sachez que je n’ai pas l’habitude de donner deux fois le même ordre.

Rélia pâlit et les larmes lui montèrent aux yeux.

— Mais, mon colonel, hasarda-t-il, je…

L’attitude du petit Valaque était presque suppliante ; il avait l’aire d’un agneau à la merci d’une bande de loups. Le sourire à la bouche et le formidable knout à la main, les Russes entouraient leur victime et semblaient n’attendre qu’un mot de Liatoukine pour faire usage de leur arme.

— Allons, saute, petit ! dit Bogoumil en levant ostensiblement son fouet. Mais Rélia ne bougea pas et secoua doucement la tête. Le sang slave qu’il tenait de sa mère n’avait pas annihilé entièrement chez lui ce courage passif qui est un des traits dominants du caractère roumain.

— Un, deux, trois… veux-tu sauter ? hurla Sokolitch,