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LAI DE L’ÉPINE.

plus infortuné. Beau sire Dieu, prenez pitié de moi ; daignez permettre que je trouve mon amant, qu’il soit avec moi et moi avec lui. Dieu ! combien je serois heureuse ! Nul ne peut concevoir les tourments que j’endure, à l’exception de celui qui aimeroit et qui ne pourroit pas obtenir l’objet de son amour. Ainsi parloit la jeune personne qui étoit assise sur l’herbe nouvelle. On la cherche et on l’appelle vainement au château, il est impossible de pouvoir la trouver. Enfoncée dans la réflexion, baignée de larmes, bourrelée de chagrins, tout entière à son amour, la jeune personne, appuyée sur le tronc d’un arbre, s’endort. Pendant son sommeil, la nuit semble faire place à l’aurore. Il n’y avoit pas long-temps qu’elle reposoit, lorsqu’elle se réveilla en sursaut pour se rendormir ensuite. Je ne saurois vous expliquer comment il se fit que l’endroit où elle s’étoit arrêtée, se trouva être le gué de l’Epine, lieu où son tendre amant s’étoit déjà rendu. Il y étoit depuis peu de temps ; venant près du buisson d’Épine, il voit la jeune personne qui, en s’éveil-