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Page:Marinetti - Poupées électriques, 1909.djvu/16

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vaseuse ! Fossé d’usine ! J’ai savouré à pleine bouche ta boue fortifiante qui me rappelle la sainte mamelle noire de ma nourrice soudanaise !

Comme je dressais mon corps, fangeuse et malodorante vadrouille, je sentis le fer rouge de la joie me percer délicieusement le cœur.

Une foule de pêcheurs à la ligne et de naturalistes podagreux s’était ameutée d’épouvante autour du prodige. D’une âme patiente et tatillonne, ils élevèrent très haut d’énormes éperviers de fer, pour pêcher mon automobile, pareille à un grand requin embourbé. Elle émergea lentement en abandonnant dans le fossè, telles des écailles, sa lourde carrosserie de bon sens et son capitonnage de confort.

On le croyait mort, mon bon requin, mais je le réveillai d’une seule caresse sur son dos tout-puissant, et le voilà ressuscité, courant à toute vitesse sur ses nageoires.