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Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/12

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pose la gloire de Fontenelle ou la gloire de Marivaux, par exemple ; voilà ce que la critique a bien de la peine à expliquer. À ces causes le grave d’Alembert écrivait-il, à ce propos même, qu’il avait honte de parler plus longtemps de Marivaux, qu’il n’avait parlé de Bossuet. De bonne foi, il n’y avait pas de quoi être bien honteux. C’est un accident qui attend tous les artistes lorsqu’ils voudront faire un portrait ressemblant. Proposez à M. Ingres, pour qu’il la reproduise sur la toile, la noble et belle tête de quelque vieillard du siècle passé, l’honneur du temps présent ; soudain le peintre illustre aura donné la forme et la vie à cette tête mâle et fière, qu’il suffit de dessiner à grands traits pour la faire ressemblante. Mais au contraire, amenez à M. Ingres une de ces frêles beautés des salons parisiens dont la fraîcheur est un peu fardée, dont la beauté manque, sinon de grâce, du moins de naturel, aussitôt voilà notre artiste qui, forcé de regarder de près ces traits mignons et chiffonnés, cette tête pâlie par le bal, ces beaux yeux qui ont perdu une partie de leur éclat, s’étonne et se trouble en présence d’un modèle qui lui avait paru si resplendissant et si facile à reproduire la veille encore, quand celle belle personne, toute brillante et toute parée, s’abandonnait aux enchantements de la fête, aux ravissements de l’esprit, aux doux et folâtres propos de l’amour.

Et voilà pourquoi il a fallu moins de temps à M. d’Alembert pour peindre en pied le portrait de Bossuet lui-même, que pour reproduire, même en buste, le portrait de Marivaux. Nous pourrions citer plus d’un pastel de Latour, plus d’une tête de Greuse, qui ont coûté à ces fins dessinateurs autant de soins et de peine que le portrait de Charles Ier au peintre Van-Dyck.

Chose singulière ! la première question que s’adressent