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Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/334

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SEPTIÈME PARTIE.


Souvenez-vous-en, madame ; la deuxième partie de mon histoire fut si longtemps à venir que vous fûtes persuadée qu’elle ne viendrait jamais. La troisième se fit beaucoup attendre ; vous doutiez que je vous l’envoyasse. La quatrième vint assez tard ; mais vous l’attendiez, en m’appelant une paresseuse. Quant à la cinquième, vous n’y comptiez pas sitôt lorsqu’elle arriva. La sixième est venue si vite qu’elle vous a surprise ; peut-être ne l’avez-vous lue qu’à moitié, et voici la septième.

Oh ! je vous prie, sur tout cela, comment me définirez-vous ? Suis-je paresseuse ? ma diligence vous montre le contraire. Suis-je diligente ? ma paresse passée dit que non.

Que suis-je donc à cet égard ? Eh mais ! je suis ce que vous voyez, ce que vous êtes peut-être, ce qu’en général nous sommes tous : ce que mon humeur et ma fantaisie me rendent : tantôt digne de louange, et tantôt de blâme sur la même chose ; n’est-ce pas là tout le monde ?

J’ai vu dans une infinité de gens des défauts et des qualités sur lesquels je me fiais et qui m’ont trompée ; j’avais droit de croire ces gens-là généreux, et ils étaient mesquins ; je les croyais mesquins, ils étaient réellement généreux. Autrefois vous ne pouviez souffrir un livre ; aujourd’hui vous ne faites que lire ; peut-être que bientôt vous quitterez la lecture, et peut-être redeviendrai-je paresseuse.

À tout hasard poursuivons notre histoire. Nous en sommes à l’apparition subite et inopinée de madame de Miran et de Valville.

On n’avait point soupçonné qu’ils viendraient, de sorte qu’il n’y avait aucun ordre donné en ce cas-là.

La seule attention qu’on avait eue, c’était de finir mon