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Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/37

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mes contre sa personne et qui n’en avait jamais lu aucune. « Si tous les honnêtes gens en usaient de même, disait-il en parlant des pamphlétaires, cette vile espèce serait bientôt morte de faim. » Mais en revanche, qu’un homme bien placé vînt à heurter cette belle et ferme nature, soudain Marivaux se révoltait avec courage, aux gens qu’il estimait il ne cédait rien ; et il a montré les dents à Voltaire lui-même, qui lui avait adressé en passant une épigramme inoffensive. Mais Voltaire avait trop de bon goût et de bon sens, même dans ses méchancetés, pour accepter la haine d’un si galant homme. — « Non certes, dit-il dans une de ses lettres, je ne veux pas compter parmi mes ennemis un homme de ce caractère, dont j’estime l’esprit et la probité. Il a, surtout dans ses ouvrages, un caractère de philosophie, d’humanité et d’indépendance, dans lequel j’ai retrouvé avec plaisir mes propres sentiments… J’aime d’autant plus son esprit, que je le prierais de ne le point prodiguer. »

Quant aux amis dont il était l’obligé, il savait conserver avec eux toute l’indépendance, non pas de son cœur, mais de son esprit et de ses actions. Helvétius avait été assez heureux pour faire accepter une pension à Marivaux ; et comme un jour les deux amis se disputaient à outrance sans que Marivaux, qui avait tort, voulût reculer d’un pas : — « Oh ! s’écria Helvétius, comme j’aurais traité Marivaux s’il n’était pas mon obligé ! » Le mot est honorable pour tous deux. Fontenelle lui-même, cet habile et adroit égoïste qui s’aima lui-même si tendrement et si longtemps ; Fontenelle, qui dans une très bonne préface sur la tragédie bourgeoise, où il parle avec trop d’éloges de La Chaussée et de Destouches, avait oublié de nommer Marivaux, apprenant que celui-