Aller au contenu

Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Appliquez cette dernière phrase à Marivaux ; dites : Marivaux est mort, on lui rend justice. Il pensait, il s’exprimait au gré d’une âme singulière et fine. Puis enfin, ajoutez comme complément à cet éloge cette autre phrase de Marivaux lui-même, cette sentence vive, nette et bien pensée, et que sans doute il s’appliquait tout bas :

« Qu’on me trouve un auteur célèbre qui ait approfondi l’âme, et qui, dans les peintures qu’il fait de nous et de nos passions, n’ait pas le style un peu singulier. » Vous voyez qu’il était loin d’accepter en riant les accusations de style précieux et la définition du marivaudage. En ceci comme en toutes choses, vous pouviez l’en croire sur parole ; il parlait ce langage affecté qu’on lui reproche, mais il le parlait naturellement et de la meilleure foi du monde. La langue qu’il parle, c’est celle de tous ses acteurs, de tous ses héros, de l’ingénue et de la soubrette, de Pasquin et de Clitandre. Il n’est pas homme à varier, comme fait Molière, son ton et son langage. C’est toujours le même genre d’esprit et de finesse. Mais en fin de compte son dialogue est vif, ces gens-là se disent tout ce qu’ils doivent se dire, ils se répondent ce qu’ils doivent se répondre, ce dialogue très coupé et très net appartient à des scènes très courtes, de tout ceci il résulte que cet homme est charmant à lire, charmant à entendre. C’est l’utile enjolivé de l’honnête, comme disait Marivaux en parlant de Fontenelle. Quant à la perfection des idées communes (c’était le reproche que Marivaux faisait à Voltaire), l’auteur de Marianne serait mort de chagrin s’il avait poussé et cherché la perfection de ce côté-là.

Les dernières années de cet aimable artiste, de cet ingénieux philosophe se sont passées sans amertume et sans secousse. La critique même la plus achar-