Aller au contenu

Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trement qu’en le saluant de l’air le plus affable et le plus reconnaissant qu’il me fut possible…

Je rentrai dans ma chambre, où je me hâtai de m’habiller. Ces dames arrivèrent ; je montai en carrosse pour aller dîner chez madame Dorsin, de chez qui je revins assez tard, sans avoir encore rien appris à madame de Miran de mon aventure avec l’officier. Ma mère, vous reverrai-je bientôt ? lui dis-je. Demain dans l’après-dînée, me répondit-elle en m’embrassant ; et nous nous quittâmes. Je ne parlai ce soir-là qu’à ma religieuse, que je priai de venir le lendemain matin dans ma chambre. Je comptais lui confier et la visite de l’officier, et une certaine pensée qui m’était venue depuis deux ou trois jours, et qui m’occupait.

Elle ne manqua pas au rendez-vous. Je débutai par l’instruire du nouveau parti qui s’offrait, qui était digne d’attention, mais sur lequel j’étais combattue par cette pensée que je viens de dire, qui était de renoncer au monde, et de me fixer dans l’état tranquille qu’elle avait embrassé elle-même.

Quoi ! vous faire religieuse s’écria-t-elle. Oui, lui répondis-je : ma vie est sujette à trop d’événements ; cela me fait peur, l’infidélité de Valville m’a dégoûtée du monde. La Providence m’a fourni de quoi me mettre à l’abri de tous les malheurs qui m’y attendent peut-être (je parlais de mon contrat) ; du moins je vivrais ici en repos, et n’y serais à charge à personne.

Une autre que moi, reprit-elle, applaudirait tout d’un coup à votre idée ; mais comme je puis encore passer une heure avec vous, je suis d’avis, avant que de vous répondre, de vous faire un petit récit des accidents de ma vie ; vous en serez plus éclairée sur votre situation ; et si vous persistez à vouloir être religieuse, du moins saurez-vous mieux la valeur de l’engagement que vous prendrez. Après ces mots, voici comme elle commença, ou plutôt voici ce qu’elle nous dira dans l’autre partie.

FIN DE LA HUITIÈME PARTIE.